Matinée dédiée à la remise en forme, yoga, séance de massage dans un institut et enfin, un bon brunch. J’avais l’habitude de venir ici, dans ce petit restaurant sans prétention mais à l’ambiance familiale et bon enfant, lorsque tout allait de travers, pendant une de ces journées où tout est gris, morne, malgré le soleil qui rayonne. Cette fois-ci, même si les choses ne se sont pas vraiment améliorées avec Gabriel, je me sens d’humeur joyeuse et légère, je prends un nouveau souffle, l’énergie revient et je mets toutes mes pensées sombres entre parenthèses. Je regarde ma montre, constate que j’ai le temps de me laisser aller, de me faire plaisir encore un peu avant de me rendre à un de ces rendez-vous médicaux, c’est le grand jour, je vais peut-être savoir si c’est un garçon ou une fille… Je me rappelle qu’à l’époque faste, avec Gabriel, on avait voulu savoir. Prévoir, c’était quelque chose de rassurant, en particulier pour un homme aussi méticuleux que Gabriel, et puis les achats pour la naissance, préparer la chambre en dépendaient. Cette fois, je ne sais pas, peut-être que je vais décider de me laisser surprendre le jour J, tant pis pour la décoration de la chambre, elle sera plus unisexe. Je n’ai jamais été du genre à tout anticiper, plutôt vivre le moment présent, avec ce que ça comporte d’incertitudes et de questions.
Je joue avec le bacon dans mon assiette, prend une gorgée de thé pensant à cet après-midi. En temps normal Gabriel serait venu, jonglant entre des interventions, mais les choses sont tout sauf normales pour le moment et lorsque j’y pense, ça me donne le cafard parce qu’une partie de moi sait qu’elles ne sont pas prêtes de s’arranger. Tout d’un coup, alors que je suis à mes pensées, peu joyeuses et alors que j’avais décidé qu’aujourd’hui, rien ne pourrait altérer ma bonne humeur, je sens le petit être en moi se mettre à bouger… Et voilà qui me sort de cette désagréable torpeur. Un inconnu vient m’aborder, demandant s’il peut prendre la chaise qui se trouve face à moi, et sans vraiment savoir pourquoi, je lui dis que j’attends quelqu’un… « Dommage » Lance-t-il avec un sourire légèrement équivoque. En fait, quelques secondes plus tard, je me demande ce qui m’a pris de lui dire ça alors que non, personne n’est supposé me rejoindre ici. Partagée entre l’envie de le rappeler et un élan d’égoïsme, je suis vite décidée lorsque je vois Gabriel entrer. instinctivement, je me mordille la lèvre inférieure.

J’ai du temps à perdre, Sam joue avec Sarah, moi je fais un tour. Je le fais souvent ces derniers temps. Je m’arrête à un ptit café et ils me disent qu’il n’y a plus de place. Je demande vérification et aperçois ma femme. Elle est assise à une table et on va pour lui enlever sa chaise. Ah non, un type demandait à s’assoir. J’arrive et tapote le type sur l’épaule d’un air de dire file vite toi. « Parait que cette chaise est libre c’est ça ? » Dis je avec un grand sourire. Je prends place sur le siège et prend sa main. Fait longtemps que je ne l’ai vu, un mois je pense. Mais j’ai l’impression que ca fait une éternité. « Ya que toi pour être enceinte jusqu’au cou et te faire draguer. Comment tu vas ? Tu sais déjà si c’est une fille ou un garçon ? » Je suis curieux. J’ai déjà un ptit monstre de genre féminin. Je serais ravi d’avoir un garçon. Mais je ne suis pas contre un autre petit ange. Je caresse sa main. J’ai toujours été tactile, et je ne e vois pas agir comme un étranger avec elle. Après tout elle m’a offert cette liberté que je n’arrivais à saisir. Par amour, elle m’a offert le bonheur. Et ça, ça n’a pas de prix. Pour tout le reste ya eurocard mastercard. Passons. « Dis-moi, est ce que ça te plairait que je t’accompagne aux séances pour futurs parents ? Parce que même si nous ne sommes plus un couple à proprement parler, je suis toujours son père. Et je ne veux pas qu’on puisse un jour devenir des étrangers. Ni passer à côté de tout ça. J’étais trop occupé à fuir dans mon boulot que je n’ai pas pu participer à tout ça avec Sarah. J’aimerais avoir cette chance cette fois. Si tu le désires. » Je serre sa main doucement. « J’ai… Je suis en arrêt prolongé, ou longues vacances on va dire. J’avoue avoir cru devenir fou au début. Mais je pense que je me fais enfin, à cette idée de voir le temps passer. De ne pas courir d’une opération à une autre. De pouvoir, passer du temps avec ceux qui comptent. » Je laisse cette phrase en plan, germer dans son esprit. Oui elle compte, oui elle comptera toujours, pour moi. Elle n’est pas une aventure d’une nuit, mais la mère de mes enfants. Je ne peux pas fuir certaines facettes de ma vie, je dois embrasser chacune d’entre elles. Je ne suis de toute pas prête à oublier Agnès, pour la simple raison que certes, nous ne comme plus un couple comme on l’entend, mais le duo est toujours là et j’ai toujours de profonds sentiments envers elle. « As tu pensé à des noms ?» Je demande avec une peur, petite frayeur, qu'elle décide que non, je ne ferais pas partie de sa vie, chose que je ne porrais oublier et passer outre.