Je suis assise depuis une heure durant sur le sol de ma cuisine. Le pot de glace est dans mes mains et la panique m’étreint. Je vais merder. Je vais décevoir tout le monde, cet enfant, Dante, mes parents. Je ne peux pas être enceinte, je ne peux pas être mère. Je vais pour me relever, mais impossible, j’ai eu la croyance illusoire qu’être assise ainsi serait pratique pour se relever ensuite. Raté, je suis trop grosse pour me remettre debout. Je finis par continuer de bouffer mon pot de glace quand je songe qu’il m’a demandé de l’appeler si quelque chose arrivait. Il va se payer ma tête mais tant pis. Je saisis le portable, que j’ai eu la bonne idée de garder avec moi. Je compose le téléphone. « Tobias ? Viens stp. Je.. Disons que ça va pas et tu m’as dit que.. Je.. Laisse tomber, il est trois heures du matin et tu as mieux à faire que t’occuper d’une idiote grosse comme une vache et stupide.. Désolée, oublie. » Je finis par tenter une sieste sur le sol de la cuisine gelé et laisse ma glace fondre, tant pis. Je m’endors sans vraiment m’en rendre compte et est réveillée par un bruit. Je regarde ma montre, il est trois heures trente du matin et quelqu’un ouvre ma porte. Je commence à paniquer, et ensuite me souviens que Tobias a un double de mes clés « au cas où » comme je lui ai dit. Je me sens honteuse quand il s’approche de moi et m’accroche à ses bras pour me relever. « Tu n’aurais pas dû venir, j’aurais fini un jour par lever mon cul de là. Ou j’aurais attendu les 3 mois qui restent sur le sol de la cuisine… je suis désolée, je ne voulais pas t’embêter… » Je m’assieds sur le canapé et m’étale de tout mon long. Mon dos me fait mal – oui le mur de la cuisine n’est pas vraiment fait exprès pour y être adossé - et je suis fatiguée. « Tu peux..rester ? » Dis-je hésitante .A présent qu’il est là, je ne veux plus qu’il parte. Je l’attire à moi, sans qu’il comprenne pourquoi – il est habitué miss pot de glue est de retour – et je me blotti contre lui. Je joue avec son manteau.. « Je crois que je suis foutue Tobias. Je penses que j’y arriverais pas. Si mon père était là il hurlerait qu’on n’abandonne pas, qu’on doit avancer dans la vie, et si j’avais plus la force de le faire ? » Je me blottis un peu plus, je ne sais pas quoi faire. Puis je me suis attaché à cet homme. Je devrais vraiment arrêter de m’attacher aux hommes, qui me dit qu’il ne me brisera pas lui aussi ?

Comme presque tous les soirs avant de se coucher, Tobias avait un dossier entre les mains. Il le lisait alors qu'il en connaissait le contenue dans les moindres détails. Il y avait un vieux rapport de police ainsi que tout un tas de coupure de journaux et des photos le plus souvent flou d'un homme. Ce fameux dossier était celui concernant la mort de sa femme et le groupe terroriste dont il avait tué le chef. Le gars qui a assassiné sa femme n'est autre que le frère du chef. Une vengeance assez sordide en soit. Faire payer la mort d'un membre de sa famille par celle de la mort de la bien-aimée du flic. Depuis, il ne cesse de traquer le mec en question. D'où sa venue en Afrique du Sud, car l'homme en question pourrait s'y trouver. Bien qu'il consacre sa vie à le traquer, il ne fait pas que ça. Depuis qu'il est ici, il a réussi à prendre un peu de recul surtout grâce à une femme. Elle se nomme Lena, elle est plus jeune que lui, il pourrait être son père ou son grand-frère. Leur rencontre est d'ailleurs un grand hasard. Tobias devait interroger un type à l'hôpital, mais il était hélas arrivé trop tard. La chambre n'était plus occupée que par la demoiselle qui l'avait supplié de la faire sortir. Le pire dans tout ça, c'est qu'il ignore pourquoi il l'a aidé. Ce n'était pas à lui de faire ça, elle devait signer des papiers et tout le reste. Mais non, il l'avait aidé, peut être, car elle avait réussi à le toucher. Depuis ce jour, il est resté en contact avec elle à tel point, qu'ils sont devenus amis.

Quand son téléphone sonna à trois heures du matin, il ne pensa pas tout de suite que ça pouvait être Lena. Pour lui c'était un indique qui allait lui balancer la planque de l'enfoiré qui a tué Maya. Eh non ! Miss Peterson n'avait pas l'air d'aller super bien. Le jeune homme se redressa dans son lit en écoutant attentivement. L'idiote raccrocha avant qu'il ne puisse parler. C'était hors de question qu'il se rendorme à présent. Il sauta dans ses vêtements et monta dans son véhicule pour rejoindre le logement de la demoiselle. Arrivé devant la porte, il prit la peine de frapper. Voyant qu'il n'y avait aucune réponse, il ouvrit la porte avec le trousseau qu'elle lui avait donné. D'un coup, il avait un peu peur qu'elle ait fait une bêtise ! Heureusement, Tobi la trouva rapidement, elle était dans la cuisine, allongée sur le sol. Qu'est-ce qu'elle fichait ici ? A première vue, elle allait bien ce qui lui arracha un soupir de soulagement. Sans attendre, il l'aida à se relever et alla avec elle jusqu'au canapé où il prit le temps de s'asseoir. "Qu'est-ce que je t'ai dit ? Si tu as besoin de moi, j'arrive ! Tu crois qu'après ton appel à moitié dépressif j'allais me rendormir ?" demanda-t-il sur un ton à moitié sévère pour lui montrer qu'il s'inquiétait pour elle. Elle demanda alors, s'il pouvait rester. Surpris, il arqua un sourcil et finit par répondre "Je suppose que ce canapé est aussi confortable que mon lit ! Ça doit pouvoir se faire !" De toute manière, il préférait avoir un oeil sur elle. Lena ce blotti contre lui sans qu'il ne sache vraiment pourquoi. Il passe alors ses bras autour d'elle pour la serrer amicalement dans ses bras, si ça peut lui apporter un peu de réconfort."Lena ! Pourquoi tu dis ça ? Je t'ai déjà dit de rester positive, non ? Si tu penses que tu n'y arriveras pas c'est sûr que ça ne marchera pas. Je suis là pour te soutenir. Et je suis certain que ton père serait fier de toi. Tu sais, il y a toujours des hauts et de bas dans la vie. Crois-moi, je sais ce que je dis. Toi tu as la chance de ne pas être toute seul. Moi je suis là pour t'aider. Alors tu n'as pas avoir peur. Tout iras bien !" Pour la rassurer, il lui adressa un doux sourire. Elle devait se convaincre qu'elle allait y arriver, il n'y a pas raison que ça soit le contraire.

Tobias a beau être là, je ne suis pas convaincue du tout par ce qu’il me raconte. Il peut être aussi spirituel qu’il veut, pour moi, je ne suis pas et ne serais pas prête à être une mère. « Bah oui t’aurais dû hein. Tu sais faut peut-être te faire soigner, je crois que tu as des sérieux problèmes de complexe du sauveur. Tu devrais être ami avec Gabriel, lui aussi il a ce problème-là. Il sauve les causes perdues. » Ouais on a beau se croire invincible, on l’est jamais. Je regarde Tobias sans vraiment comprendre pourquoi il est là ni pourquoi il ne fuit pas, lui aussi. Juste après qu’il ait fait comprendre à moi même qu’il était venu de son plein gré, il accepte de rester après que je lui demande. Oui parce que je suis très crédible quand je m’y mets. Ensuite il m’engueule. Ca je connais, c’est l’usuel depuis quelques temps. S’ils savaient à quel point j’ai envie de gueuler moi aussi. Envie de hurler que non, je ne veux pas être la mère de SON enfant. Que je le hais autant que je l’aime, que je ne suis rien sans lui, mais pas plus avec non plus. Que je ne suis surement pas celle qu’il faut à qui que ce soit. Parce que j’ai l’impression d’avoir abandonné. De ne pas avoir poussé plus loin. « Tu es là, pour le moment. Mais on est pas.. Un jour tu retourneras à ta vie, tu me laisseras, et je ferais quoi ? Je ne veux pas élever un enfant toute seule, je ne veux pas de cette vie, il a un père, cet enfant, et il ne le connaitra jamais. Je ne sais même pas si un jour un autre homme voudra de moi, si celui-ci en a voulu un jour. Je ferais quoi Tobias, si personne ne veux de la mère célibataire paumée ? » La grande question. Après, je n’étais pas vraiment ni optimiste ni de bonne humeur ou bien dans ma peau, j’étais désespérée, triste, et ça n’allait pas non plus partir du jour au lendemain. J’avais eu besoin de Jace, il n’avait jamais eu besoin de moi, il fallait que je tire un trait. Même si ça devait finir par tuer toute joie en moi, toute envie de ressentir ça à nouveau. Probablement parce que je ne suis pas très fiable ou stable pour le moment, mes lèvres viennent chercher celles de Tobias. Parce que j’ai besoin de chaleur, j’ai besoin d’affection, et que je suis au pied du mur. Mes larmes coulent, tout en l'embrassant.

Écouter les lamentations de la jeune femme avait un petit quelque chose de totalement désespèrent. Elle ne croyait pas du tout en elle et ne cessait pas de se rabaisser plus bas que terre. En plus, elle prenait Tobias pour un sauveur ce qui n'était pas du tout le cas. D'ailleurs, c'est le genre de choses qu'il ne vaut mieux pas dire en sa présence car ça a le don de raviver de vieux souvenir douloureux. S'il était vraiment un sauveur, sa femme ne serait pas morte. Du mieux qu'il le pu, il cacha sa douleur et sa tristesse en fixant le vide devant lui. "Tu n'es pas une cause perdue !" soupira-t-il finalement en tournant son regard vers elle. "Si tu l'étais, tu n'aurais pas appelé quelqu'un pour avoir de l'aide. Tu serais restée seule." Il pensait avoir raison en disant tout cela. D'ailleurs si c'était vraiment une cause perdue, elle aurait tenté le suicide. Car logiquement quelqu'un qui ne va pas bien préférera en finir une bonne fois pour toute plutôt que d'appeler à l'aide. Bref, l'important c'est qu'elle n'en était pas à ce stade-là. Elle avait juste besoin d'un peu de réconfort afin de dissiper les doutes qu'elle pouvait avoir avec sa grossesse. Avoir un enfant ça a de quoi faire peur, c'est compréhensible. Le simple fait qu'elle puisse douter d'être une bonne mère fait qu'elle n'est pas si mauvaise que ça. "Arrête un peu ! Tu sais qu'il y a un tas de femmes qui élève leur enfant seul ! Des mères célibataires arrivent même à trouver des hommes. Tu crois que parce que tu vas avoir un enfant le monde va s'arrêter de tourner ? Non ! Tu aimeras cet enfant plus que tout au monde et je te promets que tu trouveras un homme qui arriva à t'aimer et à aimer ton enfant comme si c'était le sien.Tu es jeune, jolie, sympathique, plein d'avenir ! Alors arrête de flipper. Et puis, il y a des femmes bien plus moches, désagréables et avec tout un tas de problèmes qui arrivent à avoir un mari," expliqua Tobias en croyant dur comme fer à ce qu'il disait. De toute manière, c'était la stricte vérité ! "Tu te mets des freins toutes seules !" conclu-t-il finalement. C'est là que Lena décida de déposer ses lèvres sur celle de Tobias pour l'embrasser. Il fut surpris, trop surpris et la repoussa avec douceur. Est-ce qu'elle se rendait compte qu'il avait l'âge d'être son grand-frère ? Face à elle, il avait l'impression d'être un vieux. "Qu'est-ce que tu fais ?" demanda-t-il un peu mal à l'aise à présent. "Tu te rappelles l'âge que j'ai ?"